Classiques·Réflexions

Ego Hugo, Moi Hugo !

Voir l’introduction.      Voir le 1er article de la série : le testament de Victor Hugo.

Dans notre premier article sur le testament de Victor Hugo, nous avons pu constater que, si Hugo dit croire en Dieu, il ne croit pas avoir besoin d’intermédiaire religieux pour y accéder. Mais, et c’est plus surprenant, il pense que le poète a plus de légitimité dans cette fonction :

« Le poëte en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l’homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C’est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue,
Comme une torche qu’il secoue,
Faire flamboyer l’avenir ! »
La Fonction du poète, Les Rayons et les ombres, 1839 (Lire sur Wikisource)

Le poète parle à la place de Dieu et en son nom, il est la lumière qui parle pour tous ceux qui ne parlent pas. Ce prophète-poète a une relation privilégiée avec Dieu :

« Peuples ! écoutez le poëte !
Écoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots. »
La Fonction du poète, Les Rayons et les ombres, 1839 (Lire sur Wikisource)

Bref, le poète est clairement comparé à Jésus et porte même la couronne d’épine :
« C’est lui qui, malgré les épines, / L’envie et la dérision, / Marche, courbé dans vos ruines »
La Fonction du poète, Les Rayons et les ombres, 1839

Victor Hugo a apparemment une haute idée de lui-même, un ego surdimensionné. Est-ce parce qu’il connut très tôt la reconnaissance et la gloire, chose plutôt rare pour les écrivains à l’époque ? Dès quatorze ans, Victor Hugo n’avait pas peur d’écrire dans son cahier d’écolier :

« Je veux être Chateaubriand ou rien. »

Il ira jusqu’à adopter la devise « Ego Hugo » (Moi Hugo), que l’on retrouve inscrite sur des meubles dans sa célèbre maison d’exil de Guernesey, Hauteville House.

ego hugo
« Fauteuil des Ancêtres »  (http://hautevillehouse.com/2013/05/rez-de-chaussee/)

On trouve aussi dans cette même maison un petit cabinet noir de photographie géré par le fils Hugo, Charles, dont l’activité était en grande partie consacrée au portrait… de Victor Hugo. On diffuse ainsi en France l’image du poète absent, car on sait jamais : on pourrait l’oublier… De lui, Jean Cocteau dira « Victor Hugo était un fou qui se croyait Victor Hugo ! » (Oeuvres complètes, p.21).  Les journalistes et observateurs de son temps ne s’y sont d’ailleurs pas trompés.

1312612-caricature_de_victor_hugo
Caricature de Victor Hugo, représenté assis sur le Théâtre français et l’Académie française. Dessin de Benjamin paru dans le Panthéon charivarique en 1841 (source : Larousse.fr)

Sur toutes les caricatures, Victor Hugo apparait ainsi : un large front, les cheveux longs, une tête énorme en rapport de son corps. Le front haut n’est pas que le signe d’une intelligence supérieure : c’est aussi la marque de l’inspiration divine du poète.

Cet orgueil, hélas,  n’a pas dû aider le poète à connaître Dieu. Cela a même dû être une sévère épine au pied : pour devenir chrétien, il faut d’abord admettre son péché et s’en repentir. Quelle tâche difficile, voir impossible pour les orgueilleux !
Certains diront que l’orgueil de Victor Hugo était justifié : après tout, les génies ont le droit d’être fiers. Nous répondrons qu’il y a un roi créateur et tout puissant dans la Bible, qui nous montre pourtant le chemin de l’humilité : Jésus ne s’est jamais vanté de sa position… Imitons-le, en tant que petites plumes de Christ.

Hugo pourtant admet ses fautes, que seul l’enfant vierge et pur peut racheter :

« Va prier pour ton père ! — Afin que je sois digne
De voir passer en rêve un ange au vol de cygne,
Pour que mon âme brûle avec les encensoirs !
Efface mes péchés sous ton souffle candide,
Afin que mon cœur soit innocent et splendide
Comme un pavé d’autel qu’on lave tous les soirs ! »
La prière pour tous, 1830, Les Feuilles d’automne (Lire sur Wikisource)

Hugo prie et espère… mais sans jamais se repentir :

« Espère, enfant ! demain ! et puis demain encore !
Et puis toujours demain ! croyons dans l’avenir.
Espère ! et chaque fois que se lève l’aurore,
Soyons là pour prier comme Dieu pour bénir !

Nos fautes, mon pauvre ange, ont causé nos souffrances.
Peut-être qu’en restant bien longtemps à genoux,
Quand il aura béni toutes les innocences,
Puis tous les repentirs, Dieu finira par nous ! »

Espoir en Dieu, Les chants du crépuscule, 1834 (Wikisource)

A suivre….
Nous verrons la semaine prochaine que l’ego de Victor Hugo ne l’empêche pas de discerner Dieu dans la Création…

Voir ici Victor Hugo devant la Création

5 commentaires sur “Ego Hugo, Moi Hugo !

Laisser un commentaire