Nous étions heureux de vous présenter, la semaine dernière, un article sur Victor Hugo et la Bible. Nous y avons découvert plusieurs très beaux poèmes, comme par exemple celui où Victor Hugo se remémore sa première découverte de la Bible :
« Nous l’ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,
Et, dès le premier mot, il nous parut si doux
Qu’oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire. »
Aux feuillantines
Nous sommes un peu moins enthousiastes pour écrire ce nouvel article, pourtant inévitable. Nous abordons ici ce que vous n’ignorez sûrement pas : Victor Hugo a pratiqué, pendant au moins 2 ans, le spiritisme.
La scène se passe à Jersey, lors de son exil après le coup d’État de Napoléon III, de 1853 à 1855. C’est l’écrivaine Delphine de Girardin, fraîchement débarquée sur l’île, qui sera l’initiatrice des première séances de « Tables tournantes ».
Elle-même a appris depuis peu les rudiments de cette pratique lors d’un voyage aux Etats Unis, où le spiritisme est déjà très populaire (Source). Elle ne restera qu’une semaine sur l’île, mais cela sera suffisant pour entraîner toute la famille Hugo dans une spirale infernale…
Victor Hugo se montre d’abord assez réticent à participer. Delphine de Girardin se tourne alors vers Adèle, la fille de Victor Hugo, qui accepte immédiatement. Les premiers tâtonnements sont compliqués : rien ou presque ne se passe. Mais cela ne décourage pas Mme de Girardin qui, l’avant-veille de son départ, fait une dernière tentative.
C’est alors que Léopoldine se manifeste. Léopoldine, la fille de Victor Hugo, morte dix ans plus tôt (le 4 septembre 1843), lors d’une promenade en canot sur la Seine avec son mari. Ce drame laissera à Victor Hugo une blessure béante, bien difficile à combler. Est-ce pour cela qu’il se laissera embarquer dans ces séances ? C’est fort probable…
Toujours est-il que ces premières séances seront suivies de bien d’autres, où le fils Hugo, Charles, tient lieu de médium. Tout le petit groupe discute avec les esprits (Dante, Molière, Shakespeare, Jésus, …) ou même avec des concepts plus abstraits (le Drame, la Tragédie, la Mort, …). Les séances sont consignées sur des procès-verbaux qui serviront à établir Le Livre des Tables, publié à titre posthume. Un livre avec très peu d’intérêt, tant le style littéraire des soit-disant esprits ne vaut pas celui des auteurs bien vivants…
Tout ce qu’écrit Victor Hugo après 1853 est plus ou moins imprégné de cette expérience. C’est pourquoi nous pouvons nous sentir, en tant que chrétiens, très mal à l’aise en le lisant. Dans le recueil des Contemplations, paru en 1855 (juste après Jersey), le poème « Ce que dit la Bouche d’Ombre » oscille entre ésotérisme et panthéisme :
« L’homme en songeant descend au gouffre universel.
J’errais près du dolmen qui domine Rozel,
À l’endroit où le cap se prolonge en presqu’île.
Le spectre m’attendait ; l’être sombre et tranquille
Me prit par les cheveux dans sa main qui grandit,
M’emporta sur le haut du rocher, et me dit : […] »
Ce que dit la bouche d’ombre, Les Contemplations, 1853 (Lire sur Wikisource)
Je vous épargne d’autres extraits : vous avez forcément quelques références en tête, à moins que nous ne l’ayez jamais lu, pour cette bonne raison. Il est vrai que la douce émotivité devant la Parole de Dieu semble bien loin ! Quelle tristesse… pas seulement pour Victor Hugo, mais aussi pour tous ceux qui sont prisonniers de ces pratiques, car la Bible est très claire sur ce sujet : nous ne pouvons pas communiquer avec les morts.
« Les vivants, en effet, savent qu’ils mourront ; mais les morts ne savent rien, et il n’y a pour eux plus de salaire, puisque leur mémoire est oubliée. »
Ecclésiaste 9:5
Les morts « ne savent rien » et toute communication avec eux est impossible. Victor Hugo, lisant sa Bible, oubliant de jouer, a aussi oublié de lire la loi que Dieu donna à Israël :
« Un homme ou une femme qui évoquent les esprits ou qui pratiquent la divination, doivent être mis à mort : on les lapidera et ils porteront la responsabilité de leur mort. »
Lévitique 20.27
Les séances de Jersey sont-elles pour autant pure invention ? Serait-ce simplement un mensonge bien étudié de Charles, le médium ? Dans le cas Hugo, ce n’est évidemment pas le cas, au moins au départ. Lors de la séance décisive où Lépoldine répond, l’esprit répond très justement à une question de Mme Hugo, dont la réponse n’était connue que des deux femmes. C’est d’ailleurs cet instant qui convainc définitivement l’écrivain. Mais alors, qui communique réellement ces informations ?
Ce sont les démons, bien sûr. Nous pouvons lire en Actes 16.16-18 l’exemple d’une servante de la ville de Philippes qui pratiquait « l’art de la prédiction », une des choses associées au spiritisme. Le passage précise clairement que l’origine de ses prédictions n’était, non pas Dieu, mais « un démon de divination ». Satan et ses démons ont très clairement donné à la famille Hugo des informations sur Léopoldine, afin de l’accrocher au spiritisme.
« Pourquoi nier l’évidence ? Oui, il est naturel que les esprits existent »
Victor Hugo (Source)
« Cela n’a rien d’étonnant : Satan lui-même ne se déguise-t-il pas en ange de lumière ? Il n’est donc pas surprenant que ses agents aussi se déguisent en serviteurs de ce qui est juste. Mais ils auront la fin que méritent leurs œuvres. »
2 Corinthiens 11.14-15
Par la suite, il est probable que Charles Hugo ait profité de l’occasion pour exprimer tout son talent et se libérer de l’image du père, car il est lui-aussi poète à ses heures perdues. Comme dans ce moment d’une triste ironie, où l’Ombre du Sépulcre répond à la place de feu-Molière à une question de Victor Hugo :
« Esprit qui veux savoir le secret des ténèbres,
Et qui, tenant en main le terrestre flambeau,
Viens, furtif, à tâtons, dans nos ombres funèbres,
Crocheter l’immense tombeau !
Rentre dans ton silence et souffle tes chandelles !
Rentre dans cette nuit dont quelquefois tu sors :
L’œil vivant ne lit pas les choses éternelles
Car je sais que le corps y trouve une prison
Par-dessus l’épaule des morts ! »
L’Ombre du Sépulcre à Victor Hugo, Le Livre des Tables (Source)
Tout est respecté dans ce poème : la métrique, la césure, et jusqu’à l’alternance des rimes féminines-masculines ! Les démons n’y sont pas pour grand chose, mais cela n’empêchera pas Victor Hugo de quitter la séance furieux de la conduite des esprits son égard. Cette petite revanche du fils ne doit pas éclipser que Victor Hugo deviendra très vite dépendant et permettra ainsi inconsciemment à Satan de contrôler sa vie, car Satan aime se servir de la douleur pour s’immiscer dans notre vie.
« Soyez sobres, restez vigilants : Car votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer. »
1 Pierre 5.8
Victor Hugo – est-ce son orgueil ? – a lu la Bible, mais ne l’a pas appliquée.
Victor Hugo s’est vu dans la Parole de Dieu, puis est réparti tel qu’il était. Il a continué à vivre selon ses désirs (on ne comptera pas ses multiplies conquêtes, tarifées ou non). Il n’a pas su saisir que la Bible nous incite à l’action, à la repentance, à la contrition : la foi est une manière de vivre, coûteuse, inconfortable et puissante : ce n’est pas un poème…
A suivre…
Nous verrons la semaine prochaine, pour terminer cette série, que cette quête de sens, commune à tous les hommes, a un goût amer d’inachevé chez Victor Hugo….
Voir l’article : Victor Hugo, la quête inachevée.
Sources :
Spiritisme : quand Victor Hugo invitait à sa table Jésus, Mahomet et Molière (Frantz Vaillant)
Exposition de la BNF : l’expérience spirite à Jersey
Quelle est la position chrétienne sur les médiums ? (GotQuestions)
Image : dessin de Victor Hugo, document BNF
à quand le prochain article ? j’ai hâte
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Bonjour « ladangvu », merci beaucoup pour votre intérêt. Le prochain article dont je parle est déjà paru si cela vous intéresse : https://plumeschretiennes.com/2017/12/01/victor-hugo-la-quete-inachevee/
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Merci David ! Je ne savais pas qu’il était déjà disponible comme il n’y avait pas de lien dans la liste de la série (https://plumeschretiennes.com/2017/10/20/victor-hugo-et-dieu-introduction/).
En tout cas la série m’a été très utile merci. Déjà en lisant les Misérables, au début je voyais Hugo faire beaucoup d’allusions à la Bible (surtout dans la partie sur le l’évêque Myriel), allusions à Ephésiens, Ecclésiaste etc, puis beaucoup dans les Contemplations et dans la Légende des siècles, c’était vraiment à se questionner sur sa religion… Mais je ne voyais jamais d’allusion à la mort rédemptrice de Christ, ça me semblait bizarre. Et je mettais Hugo au bénéfice du doute pour des raisons esthétiques quand il semblait qu’il versait dans le panthéisme (dans ses poèmes sur la Création où il confond Dieu avec la nature).
Bravo, vous êtes le seul à avoir réalisé une telle synthèse en lien avec l’Evangile.
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Ah oui merci, j’ai ajouté le lien ! Merci aussi pour les compliments, mais je ne sais pas si je les mérite, il s’agit d’un travail très amateur, le sujet mériterait d’être approfondi. Je me suis principalement appuyé sur différents poèmes que j’avais lus et qui comme vous me paraissaient bizarres : j’avais le sentiment diffus qu’il manquait quelque chose. Il me semble aujourd’hui que c’est Christ et ce qu’Il implique : repentance et transformation.
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